Dans les cyclades de l’ouest

L’île de Milos

Milos, située dans la mer Égée, est l’île la plus au sud-ouest de l’archipel des Cyclades. La Vénus de Milo et l‘Asclépios de Milos respectivement exposés au Louvres et au British Museum ont été les trouvailles archéologiques les plus célèbres, de même qu’un Poséidon et un Apollon archaïque actuellement visibles au musée d’Athènes.

Milos, dont la population permanente atteint à peine 5000 habitants, est devenue une destination touristique très populaire en été. Mais les îles inhabitées d’Antimilos et d’Akradies, toutes proches, connaissent également un certain succès. L’île est assez petite et, comme souvent dans les Cyclades, née d’un volcan qui l’a dessinée dans une symétrie presque parfaite en créant une anse naturelle qui est encore aujourd’hui le port de Milos.

L’activité volcanique reste sous-jacente et, dans certaines grottes littorales, on trouve des cuvettes d’eau chaude naturelles. L’obsidienne de Milos était une pierre volcanique à la base d’échanges commerciaux il y a 15 000 ans.  Ce verre naturel de Milos a été transporté sur de longues distances et utilisé pour fabriquer des outils tranchants très divers dans le pourtour méditerranéen. Mais, dans la période primitive, cette ressource n’a pas motivé l’installation d’une population résidente.

La position de Milos

La position de Milos, entre la Grèce continentale et la Crète, et sa possession d’obsidienne, en ont fait, un centre important de la première civilisation égéenne. Milos a perdu de son intérêt à l’apparition du bronze plus adapté à la fabrication d’armes et d’outils. La première colonie est née à cette époque charnière à Phylakopi. Les premiers colons étaient des pêcheurs de thon. Un mur d’enceinte et une structure d’inspiration minoenne, surnommée la salle Pillar, qui contenait des fragments de peintures murales éclatantes sont des vestiges majeurs. La célèbre fresque du Poisson volant a été trouvée dans les ruines. Les similitudes stylistiques avec les fresques minoennes sont surprenantes, et la proximité de Milos du nord de la Crète peut expliquer cette parenté artistique. La découverte dans les années 1970 d’un sanctuaire sur le site, contenant de nombreux exemples de figurines égéennes, dont la célèbre « Dame de Phylakopi« , était particulièrement inattendue. Le sanctuaire est unique dans les Cyclades de l’âge du bronze et a fourni un précieux aperçu des croyances et des rituels des habitants de Phylakopi.

À partir du VIe siècle av. J.-C. jusqu’au siège de 416 av. J.-C., Milos frappait sa propre monnaie. La plupart des pièces portaient l’image d’une pomme. Et en grec, pomme se dit milo. Les habitants de Milos prirent une part importante dans la guerre contre les Perses et dans les guerres du Péloponnèse. En 416 av. J.-C., Athènes envahit l’île et exigea que Milos s’allie avec elle contre Sparte ou qu’elle soit détruite. Devant son refus,  l’armée athénienne assiégea la ville et la fit tomber. Dès lors, l’île fut annexée et gouvernée par Sparte.

Durant la période hellénistique, Philippe II de Macédoine vainquit les Grecs lors de la bataille de Chéronée et devint le suzerain de la Grèce et des Cyclades. Puis, en 197 av. J.-C., les Romains forcèrent Philippe V à se retirer de la Grèce et Milos subit ensuite l’influence romaine. À la suite de la quatrième croisade (1204), le vénitien Marco Sanudo s’empara de Milos et de plusieurs autres îles des Cyclades. Il se déclara alors duc de Naxos. Il ne fit pas fait de son duché un vassal de Venise, mais préféra déclarer sa loyauté à l’empereur latin. La dynastie Sanudo a perduré pendant neuf générations. En 1566, les Vénitiens cédèrent le Duché de Naxos à l’Empire ottoman et son dernier duc catholique s’enfuit à Venise.

Le sultan ottoman Selim II  nomma alors un juif portugais répondant au nom de Joseph Nasi à la tête de l’île. Ce n’est qu’après la mort de Nasi en 1579 que les Ottomans annexèrent officiellement le territoire. Au début du XVIII ème siècle, la population était presque entièrement grecque et chrétienne. L’île était sous l’autorité d’un juge turc ou kadi, et d’un gouverneur turc ou voïvode. Le voïvode était responsable de la collecte des impôts et de l’application des décisions du kadi. Les insulaires ne tardèrent pas à s’insurger contre les lourds impôts qu’ils avaient à payer. En 1771, l’île fut occupée par les forces de l’empire russe pendant trois ans, puis reprise par les Ottomans.

Cette constante instabilité motiva une fuite massive de la population locale, et des visiteurs de l’époque ont rapporté, dans leurs récits que près des deux tiers des bâtiments étaient sans occupants et tombés en ruine. Malgré tout, l’importance stratégique de l’île n’a jamais faibli et, au XIXème siècle, Milos était un point de rendez-vous majeur pour les navires américains et britanniques combattant les pirates musulmans qui s’attaquaient aux navires marchands en Méditerranée.

Quelques siècles après ces étapes historiques, Milos est maintenant une île paisible qui n’a de cesse de tenir dans un doux équilibre sa petite silhouette entre les bleus aériens et marins de l’Egée.

Adamantas est la ville portuaire à partir de laquelle on monte sur le plateau qui la surplombe. Là, sont établis Plaka, le chef-lieu, et Kastro, ainsi que d’autres villages étagés sur les petits reliefs qui se succèdent, un peu comme si, ancien volcan, l’île, figée telle le dos d’un dragon mythique, portait un chapelet de villages en autant de perles que d’écailles enfouies.

L’ancienne ville de Milos était autrefois plus proche de l’entrée du port que l’est Adamas aujourd’hui. Dès les premiers pas, on découvrira un théâtre de l’époque romaine et quelques vestiges des anciens remparts et d’anciennes maisons, dont l’une offre une mosaïque mise au jour par l’école britannique d’Athènes en 1896.

De nombreuses œuvres d’art de qualité ont été découvertes sur ce site, notamment l’Aphrodite exposée à Paris mais aussi l’Asclepius visible Londres,  le Poséidon et l’Apollon archaïque montrés à Athènes. Les autres villages incluent Triovasalos, Peran, Pollonia et Zefyria. Le paysage est fortement marqué par la géologie riche de l’île, et la bentonite, la perlite, la pouzzolane et de petites quantités de kaolin qui sont activement collectées  à ciel ouvert marquent Milos.

Dans le passé, la baryte, le soufre et le gypse étaient également exploités. Les écrits de Pline l’ancien soulignent que Milos était la source de soufre la plus abondante dans le monde antique.

Partout, ce ne sont qu’orangers, oliviers, cyprès, tamaris, genévriers, mais aussi les arbousiers qui se délectent de cette terre magique et rare et font baigner l’île dans un parfum qui chante dans l’atmosphère suave de l’Egée. Milos ne se livre pas spontanément au premier venu. Il se peut même que la première impression soit une forme de déception. En effet, on ne trouvera pas de panoramas époustouflants, ni profusion de villages aux ruelles blanches et sinueuses. Les villages de pêcheurs constituent sans doute une expérience intéressante tant les petites baraques colorées sont typiques de l’île.  Il faut aller absolument à Klima, Firopotamos, Matrakia, Areti ou encore, à Fourkovouni.

Plaka est le chef lieu de l’île de Milos. C’est là que le charme des villages blancs, assez rares sur l’île, vous fera retrouver le caractère cycladique. Plaka est également un bon lieu pour admirer le coucher de soleil puisque le village est perché mais Klima est un autre endroit pour admirer le soleil couchant le temps d’une méditation consciente et émerveillée.

Dès que vous le pourrez, prenez  le large pour découvrir, depuis la mer, la beauté de l’île et accentuer un sentiment d’ailleurs. Une dizaine de voiliers proposent une journée en mer, indispensable évasion pour ressentir la beauté et le magnétisme subtil de Milos.

La côte est subtile et grandiose à la fois et les grottes littorales impressionnantes. Sont-elles la cachette de monstres marins, la retraite d’un dieu, ou plus simplement le théâtre magique d’eau et de lumière découpant des vitraux de bleus changeants dans le combat mythique entre l’ombre et la lumière, le cristal et l’obsidienne. Sykia en est un bon exemple. C’est une grotte marine dont le toit s’est effondré formant un cirque à ciel ouvert inondé de lumière tout le jour et témoin du ballet des étoiles à la nuit tombée.

Une des zones les plus spectaculaires du littoral de Milos est, sans conteste la baie de Kleftiko. Il s’agit d’un ancien refuge de pirates qui venaient, à l’abri du meltem, y cacher leurs trésors. Les formations rocheuses atypiques vous permettront de découvrir de nombreuses grottes et tunnels naturels qui finiront de provoquer votre coup de cœur pour l’île.

L’île de Milos est une île volcanique à l’instar de Santorin mais ses plages sont bien plus nombreuses et plus belles. La plage de Sarakiniko est sans doute la plage la plus connue de l’île. Elle est réputée pour ses formations géologiques façonnées par l’érosion. Sa roche est d’un blanc immaculé qui contraste avec le bleu de la mer Égée.

La plage inaccessible de Papafragas se fait désirer et on peut l’atteindre au prix d’une descente par un chemin escarpé et glissant. Mais la récompense est au bout de cette odyssée pour laquelle même Empédocle abandonnerait ses sandales. La plage atteinte, vous êtes soudain Robinson heureux de son exil et la mer semble ne s’adresser qu’à vous et raconter les histoires les plus secrètes qui vous conduiront hors du temps. Après cette expérience, quiconque ne saurait plus être la même personne.

La belle plage de Firiplaka  se trouve au sud de l’île. Elle est l’une des plus connue des touristes. Elle abrite des eaux turquoises et cristallines entourée de falaises de roches volcaniques. Tout à côté se trouve la crique de Tsigrado, accessible par un escalier étroit. Que voulez vous, le paradis se mérite…

Les solitaires et les contemplatifs seront comme chez eux à Milos. Quelques jours, quelques semaines pourront suffire. Mais ceux qui ont atteint la sagesse ne voudront plus partir, ou pour le moins, tout faire pour y revenir. Qui ne saura se contenter de l’une des nombreuses et peu onéreuses locations offertes voudra certainement y établir son propre repaire. La chose est possible, mais comme pour tous les rêves, le projet devra s’allier avec le temps afin de trouver la petite maison qui sera l’écrin de la paix des braves. Les sages seuls savent comment marier le temps et la volonté avec le désir. Celui qui sait apprivoiser Milos a tout compris de la vie, la vraie, celle qui a conduit l’homme au travers des temps à cheval sur des rêves d’éternité.